Suspendre, cela pourrait être, en ce temps où l’activité horizontalité est freinée par le confinement, une invitation à habiter la verticalité de l’instant… Suspendre, ou habiter ce moment pendant lequel, en l’espace d’une micro-seconde, je côtoie l’inconnu de ce qui va suivre.
Suspendre, c’est aussi laisser la place et observer de près cet infime moment de négociation, de bascule pendant lequel le monde s’ouvre à 360 degrés, pendant lequel le temps se dilate, les possibles s’ouvrent, les directions s’estompent, les contradictions apparentes se côtoient. Cet infime espace ou la cohabitation des contraires est possible. Où le ET remplace le OU pour relier des gestes a priori contraires. L’inspiration ET l’expiration, Le flux ET le reflux des marées, au moment de l’étale, la monté ET la descente (le mouvement d’un yoyo, ou du manège) et de tous nos liquides internes, qui nourrissent nos tissus.
Suspendre pourrait être une invitation à faire vivre, élargir, habiter ce micro-moment où les dominantes s’égalisent. Où le geste majeur bascule pour laisser la place à sa mineur. Une invitation a prendre le temps de goûter la saveur de tous ces micro-moments qui rythment nos journées, nos postures, nos respirations, alors que nos attentions sont généralement toutes entières absorbées pas les gestes directionnels qui peuplent nos quotidiens.
Une invitation à goûter la mulitdirectionnalité qu’offre ce mo(uve)ment de suspension.
PRATIQUE : S’installer dans la suspension du moment. Curieu.x.se.s et attenti.f.ve.s à ce qu’elle nous offre de possibles à venir.
Ouvrir une fenêtre pour laisser entrer un bout du dehors chez soi.
Trouver une position confortable (assis ou debout). Fermer les yeux.
Porter son attention à sa colonne vertébrale. Le sacrum qui s’enracine dans le sol. La tête suspendue au ciel. Trouver ce double mouvement de la colonne, qui tombe, s’enracine et ce la colonne qui s’érige, reliée au ciel, à l’espace du dessus. Dans un mouvement ascendant vers le ciel. Une colonne suspendue entre ciel et terre. La colonne vivante, vibrante entre ces 2 pôles.
Ouvrir ses oreilles à 360 degrés, et laisser les sons nous toucher.
Porter son attention sur le rythme de la respiration. Inspire/Expire. Recentrer son attention, s’intéresser au micro-moment pendant lequel l’inspire devient expire. Et à celui pendant lequel l’expire devient inspire. S’installer dans ces moments, en goûter la saveur, le goût… Comment est ce que cela change (ou pas) sa respiration ?
Petit à petit, élargir son attention à tous les mouvements qui habitent nos corps. A tous les fluides qui circulent au dedans… Le sang qui va et vient, du cœur aux tissus. Puis des tissus au coeur. Les mouvements des fascias, le liquide céphalo-Rachidien le long de la colonne vertébrale, et autour du cerveau. Le liquide interstitiel. La lymphe… Autant de fluides, de liquides rythmés par des moments de suspensions plus ou moins longs.
Enquêter, sentir tous les moments de suspension qui habitent et rythment nos corps. S’installer dedans. Les laisser faire…
Au bout d’un moment, revenir aux perceptions de l’environnement autour.
Ouvrir les yeux, tranquillement.
Saisir la première impulse qui vous vient.